dimanche 8 avril 2018

Etude sur l'église de Monbos en Perigord

Description et interprétation des chapiteaux :

Cette petite église perdue au milieu des vignes présente des chapiteaux historiés de facture très ancienne, sans aucune connotation catholique , pas de croix ni de Christ, ni de scènes bibliques ; malgré mes demandes, je n'ai jamais reçu d'explication à ces images.
Sachant qu'aux heures pré-chrétiennes, existaient nombre de sectes en Périgord (III-IVème siècles de notre ère) j'ai numéroté ces chapiteaux de 1 à 8 et commencé à les regarder comme s'ils me racontaient une épopée, un mythe, en partant du pilier Nord (côté gauche, côté funeste) en déambulation historiée jusqu'au pilier Sud rejoignant la nef.
Huit piliers d'1 m 70 environ portent donc des chapiteaux sculptés dans un style archaïque, mais les deux premiers, côté nef, et les deux du fond (côté abside) ne comportent que des feuillages. Les sculptures ont été recouvertes de différentes couches de peintures et de chaux, comme pour les effacer, sans toutefois les endommager, on voit bien d'ailleurs que certains endroits sont à nus, objets d'un culte (de fertilité ?) qui perdure encore aujourd'hui.



dans l'ordre, chapiteau 1 mur nord , chapiteau 4 mur nord, chapiteau 5 mur sud, chapiteau 8 mur sud

Les personnages, homme ou femme sont nus et semblent porter un masque.
La corbeille du premier pilier historié parle d'une femme.
Cette déesse héroïne masquée semble toute-puissante et ensorceleuse, et honnie à la fois. Elle est piquée au talon par un énorme serpent, sans doute sorti des œufs que pond un monstre-basilic.
Elle est nue, de face, le sexe bien apparent, tient dans sa main droite un gourdin, dans sa main gauche un mammifère qu'elle a visiblement tué.
corbeille chapiteau 2
corbeille chapiteau 2 : le basilic pond ses oeufs

Au-dessus de la corbeille, l'échine du chapiteau est également historiée.
Mon interprétation désigne ce visage sans corps, et parfois avec des attributs, comme une sorte de Grand Esprit, parfois aussi comme l'esprit des personnages au-dessous.
Le grand esprit semble donc porter sa main droite bénissante sur un couple en plein coït, et réprouver par des entrelacs-filets sortant de lui, l'image du même couple livré par la femme à des jeux érotiques.
grand esprit bénissant de sa main 
 un couple en coït
 grand esprit maudissant (peut être avec une main tenant un fouet)
le couple occupé à des jeux érotiques

Le chapiteau 3, dans sa corbeille , présente l'appel de l'homme
Il souffle dans une trompe de sa main droite et tient peut-être un gourdin ou un marteau dans sa main gauche, un mammifère est à ses côtés, mais visiblement ce n'est pas une proie. Un culte mystique encore assez vivace perdure sur le trou d'environ 7 cm creusé à la tarière ? entre le coude et le visage de l'homme. Une légende orale raconte que les femmes stériles y mettent le doigt pour enfin procréer. (dans les années 1980, une femme lyonnaise a été vue en prières remercier sa demande, avec sa fillette de 7-8 ans à ses côtés)
Cette corbeille du chapiteau 3 semble parler du trouble de l'érotisme sur un homme. Au-dessus de la corbeilles, les échines montrent l'esprit troublé par une caresse divine ? ou humaine ? C'est la grande confusion pour l'homme. Il est entouré de mammifères qu'il ne chasse pas. Décide-t-il, au contraire de la femme, de ne pas tuer ce genre d'animaux ?
feuillages avec un mammifère
autres mammifères du chapiteau 3
chapiteau 3 , échine : l'esprit de l'homme troublé par une caresse divine ? ou d'une femme ?
chapiteau 3 : l'esprit de l'homme tenté par le mal
chapiteau 3, échine : l'esprit a retrouvé sa sérénité

Dans la logique déambulatoire, nous sommes à présent au fond du chœur avec deux autres chapiteaux décorés de feuillages. Nous passons au mur Sud avec le chapiteau 6 qui présente à nouveau l'homme, chasseur d'oiseaux à l'aide d'un faucon apprivoisé. Autour de lui, les mammifères gambadent en liberté.
corbeille chapiteau 6 : faucon sur le bras du chasseur
corbeille chapiteau 6 : le chasseur d'oiseaux
chapiteau 6 : quelques mammifères contemplent la scène des oiseaux, on aperçoit sur cette photo l'échine du chapiteau, décorée de feuillages

Nous passons à présent au chapiteau 7, le dernier historié. Il me semble parler de la mort. Il porte un bel arbre de vie avec une sorte de vacuité en son centre, comme pour partir vers un autre monde. A terre, ne reste plus de l'humain qu'un masque, entouré d'une harmonie d'oiseaux et de mammifères.
Sur l'échine, en son centre, un Grand Esprit semble briser l'esprit de l'homme.
chapiteau 7 : l'arbre de vie, le masque humain à terre à droite, le grand esprit  sur l'échine brisant l'esprit de l'homme
des mammifères et oiseaux contemplent la scène

Voilà, au fil des années et des heures de contemplation, ma possible interprétation de ces images sur lesquelles personne ne veut se prononcer. J'imagine volontiers que les animaux, mammifères et oiseaux, ont un caractère symbolique (la chouette représenterait la sagesse, le coq la vigilance, etc)
Ces images archaïques me touchent profondément, elles parlent d'harmonie entre l'humain et son environnement, et d'un dieu-grand-esprit qui nous dicte des lois et décide un jour de nous briser la vie.
Il est troublant de constater qu'il n'est là  nullement question de maternité, et que la femme est présentée sous un côté assez terrifiant !
Il existe aussi, sur le mur sud du chœur, à 1mètre environ au-dessus des chapiteaux, un morceau de frise d'animaux mythiques de de feuillages de même facture, qui semble avoir bordé l'ensemble des chapiteaux, mais le reste a disparu... inutile de dire que cette église a été fort remaniée.
frise de mammifères et feuillages mur sud